Nicolas de STAËL (1914.1955)
Œuvre originale signée – Paysage, 1952.
Feutre sur papier. Dimensions 107 x 75 cm.
« Je sais que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine »
Extraordinaire œuvre, au format spectaculaire, de l’artiste franco-russe, signée et datée en bas à droite : Staël 52, et dédicacée en bas à gauche : À Suzanne Tézenas.
Précieux témoignage des paysages méditerranéens de Nicolas de Staël, en quête éternelle de l’absolu esthétique.
Bibliographie :
. Laura Malvano, La mostra di Nicolas de Staël a Torino, 1960 (illustré page 12).
. André Chastel, Nicolas de Staël, Archives Maeght. Paris, 1972, no. 3 (illustré page 29).
. Nicolas de Staël, cat. exp., Tate Gallery, Londres, 1981 (illustré page 155).
. Daniel Dobbels, Staël, 1994, Paris (illustré page 49).
. Nicolas de Staël, cat. exp., Galleria Civica d’Arte Moderna, 1960 (illustré page 80).
. Françoise de Staël, Nicolas de Staël, Catalogue raisonné des œuvres sur papier, 2013, n° 485 (illustré p. 234).
Expositions :
. Berne. Kunsthalle, Nicolas de Staël, septembre-octobre 1957, n° 101.
. Paris. Galerie J. Bucher, 43 dessins de Nicolas de Staël, février-mars 1958, n°40.
. Arles. Musée Réattu, Nicolas de Staël, juin-septembre 1958, n° 89.
. Hanovre. Kestner-Gesellschaft, décembre-janvier 1959.
. Hambourg. Kunstverein. Nicolas de Staël, février-mars 1960.
. Turin. Galleria Civica d’Arte Moderna, Nicolas de Staël, 1960, n°50 (illustré p. 80).
. Saint-Paul-de-Vence. Fondation Maeght. Nicolas de Staël, 1972, n° 117 (illustré p. 29).
. Paris. Galerie Jeanne Bucher, 123 dessins de Nicolas de Staël, avril-mai 1979, n° 13
. Paris. Grand Palais, Nicolas de Staël, mai-août 1981, n° 132 (illustré p. 155).
Provenance :
. Collection Suzanne Tézenas, Paris (acquis directement auprès de l’artiste en 1952).
. Vente anonyme, Camards & Associés, 14 juin 2005, lot 107.
. Galerie Schmit, Paris.
Personnalité fascinante au destin tragique, Nicolas de Staël fait figure de météores dans la constellation des artistes français d’après-guerre. Son suicide, sa quête absolue de vérité artistique, son refus d’opposer art figuratif et art abstrait, le dialogue permanent de ses œuvres avec la poésie de René Char ou la musique de Pierre Boulez, sa volonté enfin de s’inscrire dans la lignée des grands maîtres, ont fait de lui l’un des artistes Français les plus authentiques, les plus singuliers et les plus attachants de la seconde moitié du XXe siècle.
Nicolas de Staël releva le défi colossal de répondre à une des grandes questions artistiques du XXe siècle : en enrichissant le grand débat abstraction / figuration de ses œuvres et de sa pensée, il attira l’attention de la critique qui lui reconnut l’immensité de son talent. « Je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace ». Nicolas de Staël, 1952.
L’œuvre présentée ici, Paysage, est datée 1952, année charnière dans la carrière du peintre. C’est en effet en cette année précise que Staël renonce à la pure abstraction pour se tourner vers « l’abstraction-figuration ». Cette locution s’applique tout à fait à notre dessin, réalisé quelques semaines après la fameuse série du Parc des Princes.
Notre œuvre fut réalisée à l’occasion d’un séjour du peintre dans le Midi, et la découverte de la violence de la lumière par l’artiste : « La lumière est tout simplement fulgurante ici, bien plus que ce que je m’en souvenais. Je vous ferai des choses de mer, de plage, en mesurant l’éclat jusqu’au bout si tout va bien, et des choses d’ombres nocturnes. » (Lettre à Jacques Dubourg, Le Lavandou, 31 mai 1952).
A l’œuvre que nous présentons s’appliquent mot à mot les propos de Jean-Louis Prat, grand connaisseur de Staël, qui s’exprimait ainsi à l’occasion d’une exposition consacrée au peintre en 1995 : « Entre une abstraction qui n’a pour elle que le nom et une figuration qui n’illustre qu’imparfaitement le réel, Nicolas de Staël a exploré jusqu’à l’épuisement le vrai domaine de la peinture dans son essence et son esprit. »
Progressivement, Staël abandonne par ailleurs l’encre de Chine pour le stylo feutre, qui lui permet plus d’immédiateté, d’instantanéité. Et c’est bien là l’objet de sa quête : la lumière d’un moment, l’immanence d’un instant à un endroit précis, l’infini d’une seconde.
Notre dessin, par ses dimensions, sa technique, et surtout son objet : cet espace éthéré à la frontière du rêve et du réel, fait écho à celui conservé au Musée des Beaux-Arts de Dijon, La Lune (Donation Granville) certainement réalisé le même jour.
Ce dessin a été accroché aux cimaises des musées et fondations les plus prestigieux d’Europe. On le retrouve exposé à la Kunsthalle de Berne, à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, à la Tate Gallery de Londres, au Grand-Palais à Paris. Aucune rétrospective consacrée au peintre ne s’est passée de cette œuvre tant elle représente l’art même de Nicolas de Staël, cette fusion entre forme et pensée, entre poésie écrite et image poétique, entre abstraction et figuration.
Quels mots, mieux que ceux de Daniel Dobbels, peuvent exprimer avec plus de poésie l’impression ineffable que provoque ce Paysage ? cette étendue inconnue, cette gravitation entre terre et ciel : « Chose qui mène à Tout, passe et s’éclipse… l’éclair, invisible, a eu lieu : il en est l’étendue en tous points excessive… plus large, plus vaste, plus accueillante que tout parcours, que toute vision, que toute conscience déchirée – et que toute négation. Plus vaste est l’étendue, plus fine l’orée… plus inouïe l’écoute tendue entre deux astres »
Cette œuvre fut propriété de Suzanne Tézenas (1898.1991), l’amie intime que Staël admirait tant. C’est lors d’un concert organisé chez son amie, qui tenait salon à Paris, que Staël fut frappé par la « couleur des sons ». Il se tourne alors vers la musique contemporaine : Pierre Boulez, Olivier Messiaen et le jazz, en particulier Sidney Bechet qu’il admire et à qui il rend hommage dans Les Musiciens, conservé au Musée national d’Art moderne à Paris. D’autres toiles s’inspirent de la musique comme L’Orchestre de 1953, grande toile conservée au Musée national d’Art moderne à Paris et Les Indes galantes de 1952-1953 inspirée de l’opéra-ballet éponyme de Jean-Philippe Rameau.
Terminons par les mots d’un autre géant du siècle dernier : Romain Gary écrivant à Nicolas de Staël en février 1954 au sortir d’une exposition chez Paul Rosenberg: « Vous êtes le seul peintre moderne qui donne du génie au spectateur.»