Long manuscrit de Jean JAURES à la gloire du Socialisme. 1905.

« Le parti socialiste marche à la conquête légale du pouvoir politique et du suffrage universel et de la fermeté avec laquelle dans sa croissante affirmation communiste et prolétarienne, il défend la République de démocratie et de laïcité. »

1.500

Jean JAURES (1859.1914)

Manuscrit autographe signé. Bons apôtres et bons conseils

23 pages in-4° publiées dans le journal L’Humanité, le 27 septembre 1905

 

« Le parti socialiste marche à la conquête légale du pouvoir politique et du suffrage universel et de la fermeté avec laquelle dans sa croissante affirmation communiste et prolétarienne, il défend la République de démocratie et de laïcité. »

___________________________________________________

 

« II ne paraît pas, aux élections de Dimanche dernier, que l’âpre polémique de M. CLEMENCEAU contre le socialisme ait eu beaucoup d’action. Partout, et là même où son influence pouvait s’exercer le plus largement, il a été impuissant à arrêter l’irrésistible progrès de la démocratie socialiste. Et il est certain désormais que c’est avec une force accrue et avec un admirable élan que le prolétariat abordera la bataille des élections générales. Il engagera hardiment dans les voies du socialisme la République toujours défendue par lui contre la réaction nationaliste et cléricale. Le temps cherche à exploiter cette action vigoureuse et loyale du socialisme pour décider les radicaux à une sorte de pacte avec les progressistes, c’est à dire avec la réaction dont ceux-ci sont les agents les plus dangereux et les plus perfides. Jamais plus cruelle injure ne fut faite au parti radical et radical socialiste. Le temps paraît convaincu que celui-ci n’a affiché son attachement à la République, à la laïcité de l’état, à la pleine démocratie, aux premières réformes sociales inscrites à son programme, que pour détourner ou absorber le courant socialiste. Dès que le prolétariat, allant au-delà du programme radical affirme que la socialisation générale de la propriété capitaliste est la condition absolue de l’affranchissement des salariés et dès que le suffrage universel commence à incliner vers cette doctrine, il ne reste plus au parti radical, selon le Temps, qu’à déchirer son programme de la veille et à assurer le salut électoral de ses élus par le reniement de sa politique. Je le répète : jamais parole aussi méprisante ne fut adressée à un parti.

Le conseil n’eut pas seulement ignominieux, il est funeste, d’abord parce que le parti radical, tombé sous la tutelle des partis de réaction et prisonnier dans leur camp, subirait, après une période de ménagements illusoires, les brutalités et les avanies que dès maintenant le journal de M. Méline lui provoque. Et ensuite, ce serait une tactique pour un parti de démocratie, qui prétend confondre sa vie avec la libre évolution du suffrage universel, de choisir pour reculer l’heure où le suffrage universel avance. Ah, les travailleurs trouvent insuffisant le programme de réformes de la démocratie radicale ! C’est bien : nous allons abandonner ce programme ; et puisque le peuple trouve que ce n’est pas assez, nous allons nous allier contre lui à ceux qui trouvent que c’est trop. Un parti qui jouerait ce jeu de la bouderie enfantine et criminelle se suiciderait. Après une crise de réaction, dangereuse à coup sûr et ….. la démocratie se ressaisirait : et elle frapperait à mort ce parti radical qui pour punir le peuple ouvrier et paysan des audaces légales de pensée proposées par lui au suffrage universel se serait uni contre lui aux hommes de contre révolution. Il irait tout entier au parti socialiste qui lui aurait affirmé tout ensemble sans aucune atténuation …. et sans aucune compromission …. sa volonté communiste et sa volonté républicaine. Et c’est bien ce suicide moral de radicalisme que les réacteurs espèrent. Au besoin, pour l’attirer au piège des réactions ils essaient de l’affoler par des menaces énigmatiques. Voici ce que leur signifie le journal le Temps. « Le moment des vaines paroles est passé. Que vont faire les radicaux socialistes ? L’élection de Nevers les oblige à se prononcer. Le candidat radical se maintiendra-t-il ? En ce cas il peut être élu grâce aux républicains progressistes ; mais il faudra savoir si l’on s’engage envers ceux- ci à reconnaître ce concours. Le candidat radical s’effacera-t-il devant le socialiste ? en ce cas, on saura à quoi s’en tenir. Et si les socialistes et radicaux s’entendent pour unir leurs voix aux scrutins de ballotage et exclure les républicains, ceux-ci sauront qu’il faut agir dès le premier tour de scrutin (c’est le Temps lui-même qui le souligne) et que grâce à un peu d’habilité, la minorité républicaine qu’on veut mettre hors la loi dispose du succès et peut causer à certains pontifes du radicalisme socialiste bien des mécomptes. La question est posée. Aux radicaux de réfléchir et de s’apercevoir enfin que leurs intérêts concordent avec leur devoir patriotique et républicain » Tout est à méditer dans ces lignes.

D’abord le Temps révèle à tous les yeux, la terreur … de voir se former au second tour de scrutin l’union de tous les républicains démocrates contre la réaction dont il est l’organe. Il y a quelques jours il disait aux radicaux : «  vous voyez bien que les socialistes sont prêts à tout contre vous, même à une entente avec la réaction », et c’était une calomnie atroce. Maintenant ils disent aux radicaux : «  si les socialistes et les radicaux, après avoir opposé leur conception sociale au premier tour de scrutin, combattent tous au second contre la réaction cléricale et méliniste, nous nous vengerons sur les radicaux » Ainsi, ce qui maintenant épouvante le journal le Temps, c’est la loyauté républicaine de ces socialistes qu’il …. hier encore aux radicaux capables de toutes les manœuvres avec la réaction : la vérité, la fourberie du modérantisme éclate : et dans ces polémiques inconsistantes et perfides il n’y a qu’un point fixe : c’est la haine et la peur qu’ont les modérés de la démocratie, et du suffrage universel. Mais qu’elle est la tactique, quelle est la petite habileté dont le Temps menace les radicaux ? Ou cette menace enveloppée n’a pas de sens, ou elle signifie que dans les circonscriptions où radicaux et socialistes seront ceux prisés, la minorité progressiste portera ses voix sur le candidat socialiste, afin que celui-ci arrive en tête au premier tour de scrutin et que les candidats radicaux soient obligés de désister au second tour. C’est par là sans doute que les modérés du Temps donneraient une leçon à « certains pontifes du radicalisme socialiste » coupables d’avoir préféré au second tour l’union avec les socialistes à l’union avec les réacteurs. En vérité, c’est admirable. Voilà où en est le parti modéré : voilà ce que lui inspire la rage d’impuissance et de réaction dont il est tourmenté. Il dénonce les socialistes comme des ennemis de la patrie comme des traites à la France. Et en même temps il se déclare prêt à faire leur jeu contre les radicaux, si ceux-ci ne désertent point leur programme de démocratie. C’est un désarroi de pensée qui est le signe de l’irréparable défaite. Et de tout ce désordre d’esprit, de toutes ces combinaisons machiavéliques, absurdes et impudentes où s’agite le temps, ceci se dégage : C’est que la réaction est épouvantée de la sureté avec laquelle le parti socialiste marche à la conquête légale du pouvoir politique et du suffrage universel et de la fermeté avec laquelle dans sa croissante affirmation communiste et prolétarienne, il défend la République de démocratie et de laïcité. Que le prolétariat redouble donc de vigueur et d’élan dans la conquête socialiste du terrain électoral et qu’il signifie sans cesse à la réaction qu’au second tour de scrutin toutes les forces socialistes donnerait contre elle. Jean Jaurès »

 

Formulaire de contact

Nouveautés