Auguste PERRET (1874.1954)
Ensemble de 9 lettres autographes signées à son confrère architecte Alfred Rome.
Dix-sept pages in-8° – Papiers à en-tête gravés et enveloppes.
Entre juillet 1923 et novembre 1925.
« J’ai revu Bourdelle hier au salon des Tuileries. »
Intéressante et amicale correspondance entre deux confrères architectes. Perret vient de bâtir la première tour en béton armé construite au monde, à Grenoble, dans la ville de son correspondant et est débordé par les travaux en cours du théâtre éphémère de l’exposition de Paris. Néanmoins, il apporte à son confrère son fidèle soutien dans le litige grenoblois qui oppose celui-ci à Pierre-André Farcy [conservateur du musée de la ville], allant même jusqu’à solliciter l’alliance et l’influence de leur ami sculpteur Antoine Bourdelle.
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I. 2 juillet 1923 : « Mon cher confrère, Entendu – à jeudi pour déjeuner – Je serai à la Taverne du Dauphiné à 11h ½. »
II.14 juillet 1923 : « Me voici bien en retard cher ami pour vous remercier une fois de plus de votre si cordiale réception. Grenoble que je connaissais a pris maintenant pour moi la charmante figure que savent lui donner les habitants. Veuillez présenter mes hommages à madame Rome, vos amitiés à vos enfants et me croire bien cordialement à vous. Aug. Perret. Encore tous mes compliments pour votre belle collection Marval, Flandrin. »
III. 27 février 1925 : « Cher confrère et ami, Bien reçu votre télégramme et votre lettre. Notez que les cadres doivent avoir des dimensions multiples ou sous multiple de grand angle en long ou en large. Votre cadre serait donc 0.375 de haut x 1.10 de large. On préférerait la vue prise photographiquement par un avion à tout dessin. Vous aurez environ 100f à payer. La date : 15 avril. Bien cordialement à vous. Aug. Perret. Je pense aller à Grenoble dans les 1ers jours de mars. »
IV. 12 mai 1925 : « Cher ami, Je comprends votre impatience et je m’empresse de répondre à votre lettre. J’ai vu Bourdelle samedi soir & je lui ai dit combien je vous avais trouvé émus votre femme et vous par les infamies du Sieur Farcy [Pierre-André Farcy, dit Andry-Farcy, conservateur du musée de Grenoble] – il ne m’a pas parlé de vous écrire, mais sa femme arrivant je lui ai répété ce que je venais de dire & elle m’a spontanément promis de rappeler à Bourdelle la lettre qu’il doit vous écrire. Je le reverrai avant la fin de la semaine & ne le lâcherai pas. Merci pour vos bonnes nouvelles et appréciations de notre Fort… »
V. 14 mai 1925 : « Cher ami, J’ai revu Bourdelle hier au salon des Tuileries en préparation. Rien à faire vu les circonstances mais sa femme est arrivée & je l’ai attaquée – elle m’a dit que Bourdelle avait commencé une longue lettre pour vous mais qu’il n’en sortait pas et qu’il l’a vite abandonnée se promettant de recommencer aussitôt et d’être bref [Bourdelle a bien envoyé une lettre de soutien à Rome, dans son conflit contre Andry-Farcy, datée du 10 mai 1925]. Mme Bourdelle m’a dit qu’en attendant elle écrirait à Mme Rome. Je me propose d’aller à Grenoble pour le 21, par le train, à moins que l’ouverture du théâtre [Le théâtre éphémère de l’exposition de Paris dont Perret avait la charge] se trouvant retardée j’ai le temps d’y aller en auto. En attendant le prochain plaisir de vous voir, recevez, avec mes meilleures amitiés pour votre famille, l’expression de mes sentiments sympathiquement cordiaux. Aug. Perret. »
VI. 17 mai 1925 : « Cher ami, Madame Bourdelle que j’ai vue hier avant le vernissage des Tuileries m’a dit que son mari vous avait écrit & que la lettre était partie le matin même (hier samedi). L’avez-vous reçue ? Vous donne-t-elle satisfaction ? [En effet, Bourdelle a bien envoyé une lettre de soutien à Rome, dans son conflit contre Andry-Farcy, le 10 mai 1925. Rome lui répondra, ému de son soutien]. Ce sacré théâtre m’empêche d’aller tranquillement à Grenoble [Le théâtre éphémère de l’exposition de Paris dont Perret avait la charge]. Il me faudra passer deux nuits en chemin de fer. A bientôt donc & bien cordialement à vous. Hommages amitiés. Aug. Perret. »
VII. 26 juin 1925 : « Cher ami, Bien reçu votre lettre. Bourdelle m’avait déjà parlé de la candidature Farcy – au cours d’une conversation que j’ai eue hier soir à un dîner chez H. de Rothschild avec un des conservateurs du Louvre, j’ai cru comprendre qu’il y avait bien des gens avant lui mais agissez vite tout de même – il y a toujours des surprises possibles. Hommages et amitiés aux vôtres et à vous. Aug. Perret. Vous viendrez sans doute voir l’exposition ? Quand ? »
VIII. 21 juillet 1925 : « Cher ami, Nous nous sommes décidés pour le Grand Som. C’est plus cher mais c’est mieux ce que je désirais comme altitude (900m). Nous y serons le 5 août probablement jusqu’au 25. On me dit que l’exposition de Grenoble languit un peu – Serait-ce la raison pour laquelle nous n’arrivons pas à avoir même une réponse de ce bon M. Menly à qui nous demandons de l’argent ou en tout cas le remboursement de notre cautionnement ? J’espère que votre fils est complètement rétabli. Hommages – amitiés & bien cordialement à vous. Aug. Perret. »
IX. 26 novembre 1925 : « Cher ami, Bien reçu votre lettre et la carte de Madame Rome avec la coupure sur le citoyen Farcy. J’ai dîné il y a huit jours chez l’éditeur Morancé avec M. Henri Verne directeur des Musées Nationaux (il vient d’être nommé à la place de D’Estournelles de Constant). Je lui ai parlé du bonhomme en question & je vous assure qu’il sait maintenant à quoi s’en tenir. Vous me dîtes que la marquise de la Tour est intacte [la Tour Perret], mais pourriez-vous savoir si le pauvre bougre est tombé dessus ? Cela nous intéresse au point de vue calcul. Hommages amitiés à tout le monde et bien cordialement à vous. Aug. Perret. »
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Nous joignons une lettre de quatre pages de Madame Perret à Madame Rome, datée du 7 juillet 1925. Avant de solliciter sa correspondante pour des lieux dauphinois de villégiature, Mme Peret confirme son soutien aux Rome dans le conflit qui les oppose à Pierre-André Farcy : « … Pour ce qui est du trop célèbre Farcy, j’espère que vous avez pris le dessus et que ce dangereux polichinelle sera bientôt réduit. Vous savez n’est-ce pas que nous sommes de tout cœur avec vous… »
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L’entreprise Perret Frères fut l’une des plus importantes agences d’architecture de la première moitié du XXe siècle, de notoriété internationale. Les frères Perret (Auguste, Gustave et Claude) poursuivirent la recherche d’un nouveau classicisme, fondé sur l’usage du béton armé dont Auguste fut le principal théoricien français. Il fut également professeur et chef d’atelier à l’École des Beaux-arts et premier président de l’Ordre des architectes en 1941.
Parmi leurs nombreuses réalisations en France et à l’étranger, figurent des villas, hôtels particuliers, immeubles de rapport, résidences et ateliers d’artistes, des bâtiments industriels et administratifs, théâtres, musées, chapelles, églises… et surtout la reconstruction, après la seconde guerre mondiale, entre 1945 et 1960, de la ville du Havre, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2005.