Charles BAUDELAIRE (1821.1867)
Lettre autographe signée à Léon Reynard.
Une page in-8°. Adresse autographe et marques postales.
Slnd [Paris. 29 février 1860]
Lettre inédite à la correspondance de la Pléiade.
Extraordinaire et précieuse lettre du poète listant à son correspondant les six poèmes condamnés des Fleurs du Mal.
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Le Léthé.
Les Bijoux.
à celle qui est trop gaie.
Lesbos.
Femmes damnées (n°1, Delphine et Hippolyte)
Les métamorphoses du vampire.
Tout à vous, cher Monsieur, et mille remerciements pour votre bienveillance.
Ch. Baudelaire.
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Le 7 septembre 1859, désireux de publier des études littéraires, Léon Reynard – journaliste au Moniteur Universel – écrivait à Baudelaire en ces termes : « Mon ami et le vôtre M. Alfred Delvau a bien voulu me donner une lettre de recommandation pour vous. J’aurais voulu vous la remettre personnellement ; mais puisque malgré tous mes désirs cela n’est pas possible je prends la liberté de vous l’adresser, si démesurément flatteuse qu’elle soit. Le travail dont il vous parle consiste en une série d’études en prose, dans lesquelles l’influence des Fleurs du mal joue un rôle important. Votre livre, Monsieur, est un de ceux qui m’aient le plus préoccupé, et je crois que la trace qu’il a laissée dans mon esprit ne s’effacera jamais. Il était donc juste que ces études vous fussent dédiées, et j’ai mis votre nom en tête de mon travail. Je serais heureux, Monsieur, si vous vouliez bien y jeter les yeux, et si elles vous plaisent que vous m’aidiez dans l’œuvre si difficile de la publication. C’est pour vous les remettre et surtout pour vous voir que je voudrais vous rencontrer. Si donc vous preniez un quart d’heure sur votre vie pour me recevoir, vous obligeriez, Monsieur, un de vos frères en souffrance morale et votre sympathique L. Reynard. »
Ces études littéraires ne semblent avoir jamais vu le jour. Baudelaire avait-il daigné rencontrer Reynard selon sa demande ? Rien n’est moins sûr. Toutefois, le poète lui adresse donc la liste des six pièces condamnées au sein de ce qui constitue, à ce jour, la seule lettre connue de Baudelaire adressée à ce correspondant.
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Les Fleurs du mal parut le 21 juin 1857. Quelques jours plus tard, le 7 juillet, le recueil est déféré au parquet sur décision de la direction générale de la Sûreté publique. Le 20 août, Baudelaire est convoqué à la 6e chambre correctionnelle du tribunal de la Seine. Le poète est poursuivi pour deux chefs d’accusation : outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs et offense à la morale religieuse.
Face au procureur Ernest Pinard, l’avocat de Baudelaire, Gustave Chaix d’Est-Ange, défend l’idée que l’auteur a peint le mal afin que les lecteurs s’en éloignent.
Malgré cela, le poète et son éditeur sont condamnés pour “délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs”, en raison de “passages ou expressions obscènes et immorales”, contraints à une amende et au retrait de six poèmes du recueil. “Une ridicule opération chirurgicale” selon les mots de Baudelaire, qui le meurtrit au plus profond de son âme.
Ce n’est qu’en 1949, que la chambre criminelle de la Cour de cassation, sur demande du président de la Société des gens de lettres, cassera le jugement et réintégrera les six poèmes interdits de publication.