Antonin ARTAUD, informé par le Christ, annonce l’imminente Apocalypse. 1937.

« Je suis entré dans les mystères du Monde avec la canne de Jésus-Christ. »

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Antonin ARTAUD (1896-1948)

Lettre autographe signée (dans le texte) à René Thomas et à Annie Besnard.

Quatre pages in-4° sur papier ligné.

Lettre incomplète de la fin.

[Dublin. Septembre 1937]

 

« Je suis entré dans les mystères du Monde avec la canne de Jésus-Christ. »

Fascinante lettre d’Antonin Artaud frappé de délires mystiques. Informé par le Christ lui-même qui lui « parle maintenant tous les jours », le poète annonce l’imminente apocalypse à ses amis.

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« Ma chère Annie, Mon cher Thomas, Si quelqu’un vient Rue Daguerre 21, et vous demande si je suis marié, répondez que Non, naturellement, mais si l’on vous demande s’il a été question pour moi de mariage, Répondez aussi que NON, que je n’y ai jamais même pensé.

Mon existence, vous entendez, mon EXISTENCE dépend de votre réponse. Je ne puis pas vous dire encore de quoi il s’agit, mais c’est une affaire d’une redoutable gravité.

La vérité est qu’il y a dans le Monde de formidables mystères, que le Monde n’est pas ce que l’on croit, ni surtout tel que le voient ceux qui disent qu’ils ne croient qu’à ce qu’ils voient.

La vérité, ma chère Annie, mon cher Thomas, est que je suis entré dans les mystères du Monde avec la canne de Jésus-Christ que mon ami René Thomas m’a donnée. Car la canne que je possède est celle même de Jésus-Christ, et vous deux qui savez fort bien que je ne suis pas fou, vous me croirez si je vous dis que Jésus-Christ me parle maintenant tous les jours, me découvre tout ce qui va se passer, et m’ordonne de faire ce que je vais faire.

Je suis donc venu ici en Irlande pour obéir aux ordres même de Dieu, le Fils, incarné en Jésus-Christ. C’est inspiré par Jésus-Christ que Marie-Anne a laissé cette canne 21 rue Daguerre, à Thomas, pour que Thomas me la donne et qu’elle fasse son œuvre.

C’est parce que cette canne a séjourné rue Daguerre que tous les Êtres qui ont joué un rôle prépondérant dans ma vie sont passés par la rue Daguerre. D’ici 20 jours environ, mes chers amis, et je vous dis cela sans vantardise, car c’est poussé par Dieu seul que j’agis et sans Lui je n’agirais pas, d’ici 20 jours environ vous entendrez un tonnerre formidable sur le Monde, car la canne de Jésus-Christ va servir à la fin du monde et elle doit combattre l’antéchrist. L’antéchrist lui-même ne viendra pas avant quelques années mais dans 20 jours la face des choses sera changée et il ne sera plus question de la guerre en Chine, ni de bataille en Méditerranée. L’Angleterre aura bien autre chose à faire, je vous le jure, car elle va disparaître de la carte du globe et une partie de l’Île Angleterre va disparaître sous la mer.

Si je n’étais qu’un homme je dirais que je vais moi-même risquer la mort, mais il y a en moi quelqu’un d’autre qui m’avertit de ce qui doit se passer et me dit que je n’ai rien à craindre. Sachez seulement, et c’est tout ce que je peux vous dire encore pour l’instant, que d’ici 20 jours je parlerai au Nom de Dieu Lui-même, au milieu d’un tonnerre venu de Dieu.

Je n’aurai pas à en tirer de gloire, hélas, car bientôt je ne m’appellerai plus Antonin Artaud, je serai devenu un autre, et le Devoir qui m’incombe est redoutable.
Il est redoutable, Annie, de découvrir tout d’un coup qui l’on est et qu’en réalité on était un autre, et que cet autre a été Ramsès II en Égypte, réellement Annie,  réellement, et qu’il a été d’autres hommes dans le temps, tous chargés de responsabilités terribles soutenues par des pouvoirs, eux aussi terribles peut-être, mais écrasants. Je peux vous dire en outre que je sais maintenant qu’il y a des démons car j’en ai vu et entendu, je sais aussi qu’une intrigue… »

 

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Artaud avait rencontré René Thomas au début de 1937 à la terrasse du Dôme à Montparnasse, portant une canne à la main. Artaud lui avait indiqué que cette canne était à lui, qu’elle était citée dans la prophétie de Saint Patrick et qu’elle contenait encore le sang du Christ.

Le 23 septembre 1937, Antonin Artaud est arrêté à Dublin pour vagabondage et trouble de l’ordre public. Le 29, il est embarqué de force sur un paquebot américain en direction de la France. Dès son arrivée sur le sol national, Artaud est remis aux autorités françaises qui le conduisent à l’Hôpital général, entravé dans une camisole de force. Jugé violent, dangereux pour lui-même et pour les autres et souffrant d’hallucinations et d’idées de persécution comme l’indique le certificat du 13 octobre 1937, établi par le docteur R. avant le transfert aux Quatre-Mares : « [Il] dit qu’on lui présente des mets empoisonnés, qu’on lui envoie des gaz dans sa cellule, qu’on lui met des chats sur la figure, voit des hommes noirs près de lui, se croit traqué par la Police, menace ceux qui l’entourent. Dangereux pour lui-même et pour les autres, et atteste qu’il y a urgence de faire admettre le susnommé à l’asile départemental. », il est placé dans le service des aliénés.

 

Bibliographie : Antonin Artaud. Lettres 1937-1943. Éditions Gallimard.

 

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