Jean GRAVE (1854-1939)
Ensemble de 7 lettres autographes signées [à Guillaume Auguste Bordes ?]
Six pages in-8° et une page in-4° entre 1887 et 1891.
Cachets encrés à l’adresse de La Révolte, rue Mouffetard à Paris, en tête des feuillets. Quelques fentes aux plis et défauts marginaux.
Remarquable correspondance à un compagnon de lutte, évoquant les grands noms du mouvement anarchiste comme Pierre Kropotkine, Louise Michel ou Mikhaïl Bakounine.
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1) [Décembre 1887]. À propos de la conférence donnée par Kropotkine salle Rivoli [le 20 décembre 1887, sur le système pénal et les prisons françaises] : « La conférence que notre ami Kropotkine a donné salle Rivoli était, en effet, donnée au bénéfice d’un journal que quelques anarchistes se proposent de fonder, trouvant que la Révolte ne représente pas tous leur desirata [sic]. Notre ami leur a prêté son concours, à titre de solidarité, mais il n’est pour rien dans la création du nouvel organe. Sa collaboration reste à la Révolte. Je pense que Louise Michel va mieux, car je viens de recevoir une lettre d’elle. Je ne sais s’il y a des photographies de L. M. Quand à Kropotkine, il n’y en a pas ».
Joint un prospectus imprimé, daté du 1er janvier 1888, indiquant que La Révolte n’a pas pu paraître cette semaine-là, faute d’argent et incitant les abonnés à rechercher de nouveaux lecteurs, tenant à leur disposition d’anciens exemplaires du journal qui peuvent être distribués.
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2) [16 janvier 1888]. Il indique l’adresse de Kropotkine à Londres et celle de Louise Michel, rue Victor Hugo. « Louise Michel est toujours rue Victor Hugo. » L’adresse londonienne de Kropotkine, est reprise sur un onglet contrecollé dans la marge inférieure.
Condamné à 5 ans de prison et 10 ans de résidence surveillée en 1883, Kropotkine, le principal théoricien du mouvement libertaire, resta trois ans à Clairvaux avant d’être libéré et amnistié, tirant de son expérience pénitentiaire un livre paru en 1887, Dans les prisons russes et françaises (1887) peu avant son installation à Londres.
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3) 15 janvier 1889. Il va faire passer à Louise Michel une observation de son correspondant, précisant l’adresse de Louise Michel, à Levallois-Perret, et redonnant également celle de Kropotkine. « Nous allons faire parvenir à Louise Michel votre observation (…) nous vous ferons savoir sa réponse. »
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4) [30 janvier 1890]. Il donne son avis sur la revue progressiste belge La Société Nouvelle, « c’est une revue qui me semble moins mauvaise que beaucoup d’autres ». Il indique que le livre de Pottier [Chants révolutionnaires, préface de Henri Rochefort] est édité chez Dentu, puis explique qu’il prendra note de l’adresse corrigée de G. A. Bordes pour un prochain envoi de son journal. Il confirme les coordonnées de Kropotkine : « Kropotkine demeure toujours à la même adresse. »
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5) [29 décembre 1890]. Il va réimprimer l’adresse de Bordes, ajoutant qu’il ne connaît pas celle de Louise Michel à Londres mais qu’elle peut être contactée par l’intermédiaire du compagnon Richard. « Puisque vous y tenez, je ferai réimprimer votre adresse. Je n’ai pas celle de Louise Michel à Londres. »
Revenue de déportation en 1880, Louise Michel multiplia les actions militantes jusqu’à son arrestation en 1890, en raison de sa participation à la manifestation ouvrière du 1er mai à Vienne (Isère). Libérée, elle part pour l’Angleterre à l’été 1890.
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6) [5 février 1891]. Il a fait expédier un exemplaire en tirage spécial du portrait de Bakounine [par le peintre et graveur William Barbotin, collaborateur de la presse libertaire et auteur de nombreux portraits de militants socialistes et anarchistes].
« On a dû vous expédier un exemplaire du portrait de Bakounine (…) L’imprimeur ne m’a pas encore livré l’eau-forte représentant l’exécution de Chicago. Sitôt que j’en aurais, je vous ferais parvenir. Le coût de celle-ci sera de 1,50 ».
En 1887, à Chicago, avait eu lieu l’exécution par pendaison de huit anarchistes, à la suite des manifestations du premier 1er mai aux États-Unis au cours desquelles une bombe lancée dans les rangs de la police avait provoqué un véritable massacre. En 1893, l’innocence des condamnés fut démontrée ils furent réhabilités post-mortem.
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7) [25 février 1891]. « J’ai transmis votre lettre à M. Barbottin [sic] qui m’a chargé de vous dire que la gravure d’un portrait comme celui de Bakounine coûtait généralement 400 fr., et que l’impression valait depuis 12 fr. […] jusqu’à très cher, selon le papier employé ».
C’est en 1883 que Jean Grave avait pris la direction du Révolté, fondé par Pierre Kropotkine et Élisée Reclus. En 1887, le journal fut condamné pour avoir organisé une loterie non autorisée et changea alors de nom pour échapper à l’amende encourue, devenant La Révolte, organe communiste-anarchiste. Il parut sous ce titre jusqu’en 1894, Grave poursuivant par la suite son activité éditoriale avec Les Temps nouveaux.
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Nous joignons une lettre autographe du militant anarchiste Guillaume Auguste BORDES, au compagnon Alexandre [Roy]. Une page in-8°, avec son adresse à Londres en tête du feuillet.
Ajoutant quelques lignes à une lettre de leur amie Louise Michel, il prie son camarade de faire circuler dans sa région une liste de souscription en faveur de La Tribune Libre : « nous avons l’intention de faire le plus d’agitation que nous pouvons pour le 1er mai. […] La Tribune Libre étant le journal de tous les camarades, nous faisons appel à tous ceux qui voudront bien y collaborer, pour donner le coup d’épaule individuel et collectif qui doit faire sombrer les sociétés présentes, et mettre à leurs lieux et places, une nouvelle société, humanitaire où régnera l’égalité, la justice, s’appuyant sur la liberté absolue de tous les êtres sensés ».
C’est à la suite des grandes manifestations ouvrières américaines organisées le 1er mai 1886 – date correspondant alors au premier jour de l’année comptable des entreprises – que l’idée d’une journée annuelle de revendication naquit en Europe. En France, le premier 1er mai se déroula en 1890 pour réclamer la journée de huit heures. En 1891, la seconde « journée des travailleurs » donna lieu à de violentes répressions, comme à Fourmies, dans le Nord, où une fusillade fit une dizaine de morts parmi les manifestants.
Militant anarchiste, G. A. Bordes (né en 1853), se réfugia à Londres à la fin des années 1880. Il fut l’un des collaborateurs de La Tribune libre, « organe international socialiste-révolutionnaire-anarchiste » qui compta 4 numéros, de novembre 1890 à juillet 1891. De retour à Paris vers 1895, il signa certains articles du Libertaire du pseudonyme « Sedrob », avant d’être contraint de s’exiler à nouveau à Londres. Jean Grave dans ses mémoires, Quarante ans de propagande anarchiste, semble le soupçonner d’avoir été un agent de la Préfecture de police.