François POMPON (1855.1933)
Lettre autographe signée à l’architecte Alfred Rome.
Une page in-12° sur papier à bords dentelés.
Adresse autographe et oblitérations postales.
Paris. 4 juillet 1921.
« Ce calvaire est pénible pour moi, et malgré cela, j’espère à une grande consolation par le travail. »
Accablé par la mort de sa femme, le sculpteur français se réjouit néanmoins de voir deux de ses œuvres – une colombe et un coq girouette – retenues pour entrer dans les collections du musée de Grenoble.
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« Monsieur Alfred Rome. Effectivement, monsieur Andry Farcy à ma grande joie a retenu pour vous une colombe en plâtre, et un coq devant remplir l’office de girouette qui sera exécuté en cuivre martelé ou fait d’un coup par une matrice. Cette question technique n’est pas encore nettement définie. Une fois es frais de la matrice faits, l’œuvre par elle-même serait simple d’exécution. Et vous tiendrai au courant au moment de l’exécution.
Malheureusement le malheur qui me menaçait quand monsieur et madame Andry Farcy sont venus chez moi est arrivé, ma femme après d’atroces souffrances est morte le 16 juin. Ce calvaire est pénible pour moi, et malgré cela, j’espère à une grande consolation par le travail.
Je remercie monsieur Andry Farcy de m’avoir si bien placé dans votre musée et je me ferai une consolante joie d’aller vous rendre visite dans votre beau pays. Affectueusement à vous. F. Pompon. »
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Pierre-André Farcy dit Andry-Farcy (1882.1950) s’installe à Grenoble en 1907. En 1910 il est engagé comme dessinateur publicitaire puis comme critique d’art par Le petit Dauphinois. Avant et pendant la première guerre mondiale, il collabore à deux revues grenobloises, éphémères mais importantes, La Cimaise et Les trois roses. Nommé à la direction du musée de Grenoble en 1919, Andry-Farcy réussit à le hisser au rang de premier musée d’art moderne de France, dès le début des années vingt. Il sut également mettre à profit le formidable outil de communication qu’était Le petit Dauphinois, principal journal local, pour informer les lecteurs de tout ce qu’il réalisait au musée. Enfin, grâce à ses relations privilégiées avec le monde de l’art et en particulier avec les artistes, il obtint de nombreux dons qu’il accrochait aussitôt sur les cimaises. Il poursuivit son action jusqu’à la fin de sa carrière en 1949, année où il fit entrer le jeune Pierre Soulages dans les collections grenobloises. Si aujourd’hui le musée de Grenoble compte parmi les grands musées européens, il le doit pour une large part à Andry-Farcy qui, grâce à sa ténacité et à son charisme, réussit à imposer l’art de son temps.
C’est probablement par l’intermédiaire d’Andry-Farcy que Pompon et Alfred Rome se rencontrèrent. Après des études à l’École des Beaux-Arts, Rome fut nommé architecte régional des Monuments historiques de l’Isère. Collectionneur averti, Rome évolua avec aisance parmi les personnalités influentes et passionnées d’art de la région, se liant notamment d’amitié avec Andry Farcy, qui constitua au musée de Grenoble la première collection d’art moderne de France. Il déclara : « Mes projets sont clairs : continuer à m’opposer aux décisions de mes prédécesseurs. J’ouvre les portes aux jeunes, à ceux qui s’illustrent dans un style inédit. Ce sont ces lignes directrices qui me permettront de créer le premier musée véritablement moderne de France. » C’est en conséquence de ces attitudes progressistes que Farcy et Rome furent attirés par l’œuvre de François Pompon, dont trois œuvres – le Canard, le Vautour et l’Ours brun – allaient entrer dans les collections du musée.
Il semble donc que les deux œuvres mentionnées dans cette lettre par Pompon n’aient pas été finalement retenues par le musée.