François MITTERRAND frappé d’un spleen somptueux.
“J’étais pris d’un spleen somptueux. Cette vie militaire me paraissait absurde.”
1.500€
“J’étais pris d’un spleen somptueux. Cette vie militaire me paraissait absurde.”
1.500€
François MITTERRAND (1916.1996)
Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais.
Quatre pages petit in 4°.
[Fort d’Ivry]. 19 janvier 1939.
« J’étais pris d’un spleen somptueux. Cette vie militaire me paraissait absurde. »
Mitterrand, lassé de son service militaire, se réfugie dans l’amour.
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« Ma Marie-Louise très chérie, Ce matin, le réveil a été dur, ou plutôt le lever. J’étais pris d’un spleen somptueux. Cette vie militaire me paraissait absurde. Et votre éloignement, notre séparation, je ne pouvais plus les supporter. Ma chérie, il m’est vraiment pénible de subir votre absence : vous ne pouvez savoir quel ennui me prend à la gorge chaque fois que je vais vous quitter, quel chagrin. Et ceci peut expliquer ces retards que je vous inflige et qui m’ont valu quelques remontrances… Tout se divise en deux parts très nettes : vous et ce qui est hors de vous. Et plus ça va, plus je me sens perdu, hors de vous, avec l’angoisse de ma solitude.
Je suis d’ailleurs actuellement fatigué. Cette grippe m’a mis à plat. Par exemple, cet après-midi, je suis allé à Montrouge tirer au fusil mitrailleur (où j’ai obtenu un très bon résultat : 12 balles dans la mouche sur 12). Durant toute la marche, je n’ai rien ressenti, et puis, sitôt arrêté, je ne savais plus exactement les limites de mon corps et ma tête recevait à l’intérieur des coups peu amicaux ! Cela me rend irritable (vous vous en êtes sans doute aperçue), et, les nerfs à fleur de peau, j’enrage devant tout obstacle. Je n’ai pas la sagesse de le cerner avant de l’attaquer, de le connaître à sa juste valeur. Je vous dis cela non pour me faire plaindre, mais pour vous faire comprendre que s’il m’arrive d’être peu aimable ou lunatique, c’est plus par l’effet des circonstances que par nature !
J’espère, ma toute petite fille chérie, que vous n’êtes pas imprudente, attention à votre rhume, attention à la contagion diphtérique. Ce serait si bête d’être malade, et si ennuyeux. Avez-vous eu des échos de ma visite 5 avenue d’Orléans ? Ma très chérie, vous savez quelles conclusions nous devons tirer de l’entretien de dimanche. Dépêchons-nous de tout mettre en œuvre pour continuer la progression. Depuis un an, quels progrès nous avons faits ! Il faut que d’ici les grandes vacances nous obtenions de nous voir, que je puisse aller chez vous. À tout prix, nous devons éviter une trop longue séparation, qui serait source de trop de vives souffrances. Je pense à vous toute la journée, et mes nuits sont courtes qui m’éloignent de vous. Combien de fois je me surprends à rêver de vous, à vous imaginer telle que vous êtes, mon petit Zou chéri, telle que je vous aime.
Je suis en train d’établir des plans pour notre avenir prochain. Il faut qu’à la sortie de mon service militaire, je puisse compter sur une situation qui nous permette de réaliser nos projets. Comme je vous le disais, à moi de faire mes preuves. Je les ferai puisque je vous adore et que vous êtes le but de toutes mes actions.
Dimanche : notre premier anniversaire. Il faudra que nous le passions en complet accord sur tous les points, selon le modèle que nous imposerons à toute notre vie : vous savez, cet équilibre à conserver, cette recherche du spirituel dans l’accomplissement du matériel dont je vous ai souvent parlé. Je pense que si nous le pouvons, nous devrions communier ensemble dimanche. Dieu ne sera jamais de trop entre nous.
Ma Marie-Louise, recevrai-je demain la lettre que j’espère ? En tous cas, moi, je vous dis que je vous aime plus que tout, que rien ne brisera mon amour, que vous êtes ma fiancée. Et comme je pense que la moindre des choses c’est d’aimer sa fiancée à la folie, concluez. François. »
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Catherine Langeais (1923.1998), de son vrai nom Marie-Louise Terrasse, rencontre le 28 janvier 1938, lors du bal de l’École normale supérieure, François Mitterrand avec qui, bien qu’âgée de 15 ans seulement, elle se fiance. Mitterrand écrira plus de 300 lettres à celle qu’il surnommait Zou.
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