Très rare lettre de l’immense architecte Jacques-Germain SOUFFLOT. 1768.

J’ay reçu le sept de ce mois une lettre que vous m’avez fait l’honeur de m’ecrire au sujet de ce que l’on construit pour raccorder le logement de M. Coustou avec ce qui restoit des portions qui ont été abatues, pour l’agrandissement de la place.”

3.500

Jacques-Germain SOUFFLOT (1713-1780)

Lettre autographe signée au marquis de Marigny.

Une page in folio. Résidu de cachet de cire en coin supérieur gauche.

Paris, le 12 mai 1768

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« Monsieur, J’ay reçu le sept de ce mois une lettre que vous m’avez fait l’honeur de m’ecrire au sujet de ce que l’on construit pour raccorder le logement de M. Coustou avec ce qui restoit des portions qui ont été abatues, pour l’agrandissement de la place : comme le gros ouvrage est avancé je vais en faire reconnoittre le toisé, pour vous en rendre le compte que vous me demandez ; quant aux ajustements intérieurs, M. Coustou les fera à ses depends, comme il les a toujours fait dans le reste de la maison, ainsi que vous l’avez vû, Monsieur, par l’état qu’il en avoit donné lorsque vous vouliez le loger à l’hotel de Beuvron.

A l’égard de son frère j’estois bien seur qu’il n’estoit pas capable de donner lieu à la phrase de Mdme de Malesherbes telle qu’elle vous l’avoit ecrite ; j’eus cependant l’honeur de la voir le plus tost que je le pûs, elle me fit celuy de me dire qu’elle n’avoit pas vû M. Coustou depuis plusieurs années : mais que le Suisse luy avoit dit que sur une demande qu’il luy avoit faite de reparations, il avoit repondu qu’on en feroit de grosses que quand il viendroit un nouveau chancelier à l’hotel, et que pour ne pas detailler ce rapport elle avoit mis les mots qui vous ont, avec raison, donné lieu de croire que M. Coustou luy avoit manqué, il n’en est seulement pas capable non plus que du propos qu’on luy a prêté ; Mdme de Malesherbes a esté fort fachée des reproches qu’elle luy a occasionés ; ainsi que M. de Malesherbes qui luy a promis qu’il iroit vous voir et vous certifieque tout cela n’a été qu’un qui proquo d’après un rapport destitué de vérité et de justesse.

Je suis avec un profond respect Monsieur Votre très humble et très obbeissant serviteur. Soufflot. Paris le 12 may 1768. »

 

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Surintendant des bâtiments du Roi, Marigny fut un grand bâtisseur du règne de Louis XV, et un fervent promoteur du néoclassicisme architectural. Grâce à Soufflot, il contribue à changer le visage de la capitale, en définissant notamment de nouvelles places. L’architecte et le surintendant répondaient à un problème d’hygiène tout en permettant l’embellissement de la capitale.

Délaissé pour Versailles, le Louvre était au milieu du XVIIIe siècle dans un état de délabrement avancé. Marigny pour répondre aux critiques qui s’élèvent ne demeure pas inactif : il expulse de la cour Carrée tous les parasites qui y avaient élu domicile, et fait détruire les constructions. De l’autre côté, sur la place du Louvre, entre la colonnade et Saint-Germain l’Auxerrois, il fait dégager la façade en faisant démolir ce qu’il restait de l’hôtel du Petit-Bourbon et tous les autres bâtiments adjacents. (Ces travaux ont été immortalisés par les peintures de Demachy.) C’est de ces travaux, et de la place du Louvre dont il est question dans cette lettre. L’atelier de Nicolas Coustou, le sculpteur renommé des chevaux de Marly, fut détruit à cette occasion.

Les ateliers de Coustou démolis, Marigny prévoit de reconstruire d’autres ateliers pour ce sculpteur de l’Académie sur l’emplacement des jardins des hôtels de Beuvron et Rouillé. Le roi ayant donné à la comtesse de Séran la jouissance de l’hôtel de Beuvron en janvier 1768, Marigny avait déjà eu la tâche de le faire entièrement restaurer et décorer.

La deuxième partie de la lettre concerne Charles-Pierre Coustou, frère de Guillaume, architecte du roi et avocat. Soufflot tente d’expliquer à Marigny que le diférend opposant Coustou à Mme de Malesherbes est le fruit d’un quiproquo, et que les propos offensants de Coustou ont été déformés.

L’inventaire après décès de Soufflot a été réalisé le 7 septembre 1780 par Charles-Pierre Coustou.

 

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