[NAPOLÉON Ier] – Jean CHAPTAL (1756.1832)
Manuscrit autographe – Mes souvenirs.
Une page ½ in folio. Slnd.
Curieux manuscrit de Chaptal témoignant d’une mémorable colère de Napoléon contre son frère Lucien.
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« Je n’ai jamais vu le 1er consul agité d’une colère pareille à celle qu’il éprouva lorsqu’il apprit que son frère Lucien s’était marié à Senlis avec la veuve de Jouberthon agent de change à Paris. Il m’ordonna d’aller chercher le notaire et de lui signifier de porter son registre, ce qui fut exécuté. Le notaire arriva, je le conduisis à St Cloud à 9 heures du matin. Voici mot pour mot le dialogue qui eut lieu entre l’Empereur et le notaire :
L’emp. C’est vous, monsieur, qui avez reçu l’acte de mariage de mon frère ?
Le not. Oui citoyen 1er Consul.
L’emp. Ignoriez-vous que c’était mon frère ?
Le not. Non citoyen 1er Consul.
L’emp. Vous ne saviez donc pas que mon consentement était nécessaire pour valider
Le not. Je ne le pense pas. Votre frère est majeur depuis longtemps, il a rempli de grands emplois, il a été ministre et ambassadeur, il n’a point de père, il est libre de contracter.
L’emp. Mais il a une mère dont il fallait le consentement.
Le not. Non il est majeur et veuf.
L’emp. Mais je suis souverain et comme tel je devais donner mon consentement.
Le not. Vous n’êtes souverain que pour 10 ans aucun acte n’engage votre famille vis-à-vis de vous.
L’emp. Montrez-moi cet acte de mariage.
Le not. Le voilà.
Le 1er consul lut l’acte et en refermant le registre il faillit à déchirer la page qui le contenait.
L’emp. Je ferai casser cet acte.
Le not. Ce sera difficile car il est bien cimenté et tout y est prévu.
L’emp. Allez-vous-en.
Le notaire se retira avec son registre sans avoir été troublé un instant.
L’Empereur reprocha vivement à Lucien son mariage et la dispute s’échauffa à tel point que l’Empereur lui reprocha d’avoir épousé une veuve, ce à quoi Lucien répondit et toi aussi tu as épousé une veuve [Joséphine], mais la mienne n’est pas vieille ni puante.
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Chimiste et homme politique, Jean-Antoine CHAPTAL fut reçu médecin à Montpellier en 1777 et professeur de chimie à l’École de médecine de Montpellier.
Appelé à Paris pour travailler à la Défense nationale, il dirigea la poudrerie de Grenelle, concourut à l’organisation de l’École polytechnique et reprit sa chaire à Montpellier. Nommé membre de l’Institut en 1798, il revint à Paris pour s’occuper de la fabrication de produits chimiques. Conseiller d’État sous le Consulat, il fut nommé par l’Empereur ministre de l’Intérieur en 1801, puis devint sénateur et comte d’Empire.