Camille SAINT-SAËNS juge avec sévérité les artistes du début de siècle.

« Le seul qui ait un grand talent c’est d’Indy, mais il n’a pas de nature et son archicléricalisme est ridicule. »

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Camille SAINT-SAËNS (1835.1921)

Lettre autographe signée.

Deux pages in-4° sur papier à en-tête de l’Hôtel de l’Oasis.

Alger, 28 décembre 1920.

« Le seul qui ait un grand talent c’est d’Indy, mais il n’a pas de nature et son archicléricalisme est ridicule. »

Saint-Saëns juge avec sévérité les artistes du début de siècle, condamnant la quasi-totalité de ses confrères.

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« Ah ! comme vous avez raison, mon bien cher ami, de dire que le courage est rare chez les artistes ! je me souviens d’un qui après un acte pitoyable me disait : « j’espérais que les autres auraient le courage de ne pas le faire ! » et d’un de nos confrères me disant « je pense comme vous, mais je n’ose pas voter comme vous ! »

En musique, c’est comme en peinture ; et ce n’est pas le courage qui me manque pour en parler, mais je suis désarmé : c’est mon éditeur qui édite toutes les horreurs ! Sans cela, soyez assuré que je ne me gênerais pas. Mais en musique, c’est plus difficile qu’en peinture, parce que trop de lecteurs ne peuvent pas comprendre. Néanmoins je viens de faire un article pour les annales (qui paraitra Dieu sait quand) intitulé « le désordre littéraire et artistique » où j’ai été catégorique.

Quel est le peintre qui va prendre la place du délicieux Merton ? Si vous avez les tuyaux, renseignez-moi. Quant à notre lecteur, son avenir me parait bien sombre. L’avarice a gagné tout le monde. Bruneau [Alfred Bruneau] fait de la musique affreuse ; Pierné [l’organiste Gabriel Pierné] excellent autrefois, protège maintenant les pires cacophoniques et les impose au public, ceux qui auraient pu être bons s’étalent dans l’inaction, les autres faisant obstruction.

Je ne vois surnager qu’Henri Février, mais comme c’est mince et peu consistant ! Le seul qui ait un grand talent c’est d’Indy, mais il n’a pas de nature et son archicléricalisme est ridicule. N’a-t-il pas écrit dans son Christophe [La légende de Saint Christophe] énorme et monstrueux : « La vraie Science est de croire sans voir ! » Il y a un effort énorme dans ce St. Christophe mais cela fait penser à Sisyphe ! Les Pyramides ne valent pas le Parthénon. Tous mes vœux avec mes vives et tendres amitiés, avec l’admiration pour le grand artiste et penseur pénétrant. C. Saint-Saëns »

 

 

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